Mars et Vénus par Robert le Lorrain (1666-1743)
Peu d’œuvres de Robert Le Lorrain subsistent, la plupart ont disparu. Cette rareté rend notre paire plus exceptionnelle encore, bien qu’elle le fût déjà par son incroyable qualité d’exécution et sa patine merveilleuse.
Vers 1720, après avoir travaillé au chantier du parc du château de Versailles pour Louis XIV, Robert Le Lorrain exécute, pour des commanditaires privés, deux bustes en bronze traditionnellement appelés Mars et Vénus. Leur beauté et leur ciselure extraordinaires rencontrent un succès immédiat, ce qui l’amène à en créer d’autres. Présentés seuls ou en couple, tous se déclinent d’après un même modèle masculin ou féminin, mais de fines différences iconographiques interviennent pour faire de chaque buste une œuvre unique.
La paire que nous présentons appartient à ce groupe d’œuvres réalisées par Le Lorrain au sommet de sa carrière. Connu pour son fort caractère, il pouvait décider tantôt d’accepter des commandes officielles, tantôt de créer uniquement pour de riches particuliers, mais refusait toujours, contrairement aux usages du temps, de solliciter le moindre engagement.
Leur style est caractéristique de l’art classique français qui s’est développé sous le règne de Louis XIV. La jeune fille témoigne d’une recherche de grâce et de naturel selon les canons esthétiques du temps : un front bombé, un nez pointu, des yeux en amande, une coiffure à la mode à la cour de France et un délicat drapé qui rappelle le prestige de l’Antiquité. La tête légèrement désaxée confère vie et naturel au buste.
Notre paire, comme le Buste de jeune filleconservé au Metropolitan Museum de New York et la paire présentée à la Frick Collection, partagent une extraordinaire qualité de ciselure. Il en est de même pour la paire légèrement différente appartenant aux collections du Prince Liechtenstein. Cependant, notre couple présente en plus une patine mordorée unique, d’un brun doré profond et chatoyant, intact depuis le XVIIIe siècle. Cette réalisation exceptionnelle a amené notre paire, tout comme les bustes cités précédemment, à être acquise par les collections les plus prestigieuses : celle, si fameuse, de Charles Stein au XIXe siècle, celle du comte Boniface de Castellane pour son célèbre Palais Rose où étaient données des fêtes devenues légendaires, et celle, enfin, du décorateur Charles De Beistegui, insatiable mondain et grand collectionneur.