Salomé
Artiste raffiné, Pierre Amédée Marcel-Béronneau est, parmi les élèves de Gustave Moreau (1826-1898), le véritable héritier de son style. Amateur d’un art somptueux, d’atmosphères embrumées de vapeurs d’encens, de goût pour les bijoux exotiques compliqués, fasciné par les mythes et les religions, Béronneau est aussi un grand interprète du symbolisme français.
Né à Bordeaux en 1869, il commence sa formation artistique à l’École municipale des Beaux-Arts de la ville. En 1890, il arrive à Paris et s’inscrit deux ans plus tard à l’École nationale des Arts Décoratifs. Ces années sont cruciales pour la culture française. Depuis près d’une décennie, le nouveau courant symboliste conquiert de plus en plus l’intelligentsia qui cherche à échapper à la trivialité de la société. Ce n’est pas un hasard si Béronneau, après avoir suivi les cours d’Eugène Thirion (1839-1910), décide d’entrer dans l’atelier de Gustave Moreau, considéré comme le père de ce courant en peinture. Le jeune artiste gagne l’estime du maître en réussissant à combiner dans ses créations différentes influences de la peinture académique et de l’art italien du XVe siècle.
L’influence de son maitre, clairement reconnaissable dans ses œuvres, devient un trait caractéristique de l’artiste qui parvient néanmoins à l’interpréter de manière personnelle, en la mêlant aux influences académiques de sa formation. Les figures de Béronneau sont en effet moins élancées que celles de son maître et plus dessinées dans leurs volumes. En 1895, il expose pour la première fois au Salon des Aristes Français et en 1897, il participe à la dernière édition du Salon de la Rose+Croix, manifestation artistique organisée par l’excentrique Joséphin Péladan (1858-1918), écrivain, critique et occultiste, partisan d’un retour à l’art religieux aux accents symbolistes décadents. À l’occasion de cette exposition, il présente l’une de ses œuvres les plus célèbres, Orphée, une image ambitieuse représentant la descente aux enfers du héros thrace. Vers la fin du siècle Béronneau est devenu l’une des figures de proue du courant symboliste français grâce à sa manière raffinée de traiter les sujets mythiques, à l’élégance de sa technique et à la puissance suggestive de ses images. Ses œuvres sont entrées dans plusieurs collections publiques françaises telles que le Musée du Louvre, le Musée des Beaux-Arts de Bordeaux et celui de Marseille.
L’un des thèmes récurrents de l’œuvre de Béronneau est celui des femmes fatales, beautés féminines à la sensualité envoûtante, enchanteresses et dévoreuses d’hommes. Parmi les différentes Gorgones et Judiths, c’est la figure de Salomé qui revient le plus souvent dans sa production. Elle est ici représentée de manière frontale, hiératique. Sa peau blanche et son regard sans pupille la font ressembler à une terrible idole couverte d’opulents bijoux de goût oriental. La peinture est extrêmement diluée, les couleurs semblent s’assembler comme sur la palette d’un peintre par petites touches. Le style est très proche de celui de Moreau, c’est pourquoi le tableau a dû être exécuté dans les premières années du virage symboliste du peintre, c’est-à-dire vers 1892-1897.