L’incendie
Répertorié à tort par Florence Ingersoll-Smouse, dans sa monographie de référence sur Joseph Vernet, comme une œuvre perdue de ce dernier, cet impressionnant tableau – sans nul doute l’un des chefs-d’œuvre de l’artiste – revient en réalité au peintre italien Carlo Bonavia, comme le prouve d’une part sa palette bleutée typique de l’artiste, et de l’autre la signature qui se lit en bas au centre sur le coffre que portent deux figures.
D’une ampleur et d’une ambition sans précédents pour l’artiste, ce magnifique nocturne dans lequel s’opposent d’un côté la lumière froide de la lune et de l’autre l’incendie qui embrase les nuages en les teignant de rouge, illustre parfaitement le goût de l’époque pour le Sublime en tant que catégorie esthétique.
Parmi les grands peintres italiens de paysage au XVIIIe siècle, Carlo Bonavia reste une figure méconnue. Probablement né à Rome, on le sait surtout actif à partir du milieu de la décennie 1750 à Naples, où il restera jusqu’à sa mort en 1788. Marqué dans un premier temps par l’art de Salvator Rosa (1615-1673), c’est principalement à Vernet (1714-1789) qu’il doit la plus grande part de son inspiration, d’où d’ailleurs les nombreuses confusions d’attributions qui suivront. Tout comme le paysagiste français, Bonavia parviendra à se créer une clientèle internationale d’aristocrates étrangers venus faire le Grand Tour, comme Lord Brudenell ou encore le comte Karl Joseph Firmian (1716-1782), qui sera ambassadeur d’Autriche à Naples de 1753 à 1758 et qui possèdera pas moins de dix-sept œuvres par l’artiste.
Si la signature reste partiellement difficile à lire, il est intéressant de relever qu’à côté de la date de 1758, le peintre a ajouté les lettres « RA », peut-être pour « Roma ». Est-ce là le signe de son origine romaine ? Ou bien Bonavia est-il retourné temporairement dans la Ville éternelle pour exécuter ce grand tableau, dont l’ambition et la taille laissent penser qu’il s’agit d’une commande d’un mécène important ?
Daté de 1758, le tableau est de mêmes dimensions que la grande Tempête sur une côte rocheuse vendue chez Sotheby’s Londres le 3 juillet 1996 (lot 51). Cette composition portait elle-même la date de 1757, et l’on peut se demander, compte-tenu de la parenté et de leur caractère complémentaire, si la présente œuvre n’a pas été peinte comme pendant à la première.