Minerve protectrice des Arts att. à Josse-François Leriche (1738-1812)
Somptueusement casquée et drapée, Minerve se tient debout aux côtés d’un fragment de statue antique reprenant le célèbre Torse du Belvédère, conservée depuis le XVIe siècle dans les musées du Vatican. Sa robe est plissée et nouée, le tissu tombant et retombant finement souligné de deux traits en bordure. A ses pieds, une palette de peintre et des pinceaux, le ciseau d’un sculpteur, un globe terrestre, des parchemins. Un traité de géométrie et des partitions de musique voisinent avec un rameau d’olivier. La déesse unit les arts libéraux et les beaux-arts, la science et la création.
La profusion éblouissante des détails, depuis les mèches de la chevelure jusqu’aux parchemins montre l’habileté du sculpteur habitué à traiter de petits formats. Ce type de statuette, destiné aux collectionneurs fortunés et savants, atteint rarement ce degré d’élégance décorative. De plus, la perfection de tous les points de vue, les surprises délicatement incisées dans chaque plan suscitent l’émerveillement et incitent à faire tourner la statuette en main.
Ce faisceau d’indices suggère que cette statuette a été conçue comme une œuvre destinée à être le modèle d’une statuette en biscuit. Fondée par Louis XIV au XVIIIe siècle, la Manufacture Royale de Sèvres, est en France le centre de production de biscuits de très haute qualité artistique. Depuis 1773, Louis-Simon Boizot, sculpteur agréé de l’Académie royale de Peinture et sculpture, est à la tête des ateliers de la Manufacture de Sèvres. Sous sa direction sont créées des figurines plaisantes qui popularisent le style nouveau qu’est le néoclassicisme. Les drapés finement exécutés épousent la forme des corps, les points de vue multiplient les surprises, les détails décoratifs sont exécutés avec une grande maestria. Boizot développe en petites dimensions son habileté de sculpteur en marbre.
Les modèles étaient d’abord réalisés en terre cuite avant, s’il était décidé qu’ils seraient reproduits en biscuit, d’être transposés dans du plâtre afin d’être moulés. En tant que directeur des ateliers de la Manufacture, Boizot livrait des modèles dessinés ou modelés, tandis que son chef d’atelier, Josse-François Leriche, se chargeait de les exécuter avec la même virtuosité dans la terre cuite et dans le plâtre et de surveiller la production des biscuits. Boizot et Leriche travaillaient ainsi en étroite collaboration, si bien que leurs travaux se confondent souvent. Leriche, ainsi entraîné et influencé par Boizot, développe peu à peu sa propre activité au sein de la Manufacture ; il exposera même un biscuit sous son seul nom au Salon de 1801.
Si l’iconographie de notre statuette tend au néoclassicisme post-Révolution Française, son drapé et son canon appartiennent encore au néoclassicisme teinté de style Louis XVI. Son visage au classicisme harmonieux s’inspire des traits développés par Boizot dans ses Vertus sculptées pour l’église Saint Sulpice à Paris : les lèvres ourlées, le visage rectangulaire et le menton prononcé. Notre Minerve fait ainsi le lien entre la sophistication précieuse de l’art de l’Ancien Régime, et les temps nouveaux qui annoncent la modernité.